L’hôpital Marin à Hendaye

318 jours, c’est le temps passé à l’hôpital Marin avant de retrouver mon indépendance dans un  appartement adapté et une organisation suffisante. Les gens passent devant et se demandent souvent ce qu’il s’y cache à l’intérieur. 

Qu’est ce que l’hôpital Marin ?

De part sa situation géographique, les pieds dans l’eau, face à l’océan et aux deux jumeaux, il a de quoi faire saliver les promoteurs immobilier. Il n’y a pas de service d’urgence ou d’opération quelconque, mais renferme secrètement des patients et pathologies que les autres hôpitaux ne veulent pas traiter. Des pathologies rares, disgracieuses et qui font peur aux non avertis.

On retrouve des patients « historiques » polyhandicapés, arrivés à l’âge de 4 ou 5 ans et vivent patiemment en attendant leur tour. Ils sont déformés, les jambes et bras en équerre, jouent « bêtement » et quotidiennement avec un morceau de carton ou de bois accroché à une ficelle. Ils ne parlent pas, mais grognent, hurlent et surtout comprennent à leur niveau.  

Des tétraplégiques complets, sous respirateur relié à une trachéotomie (un trou dans la gorge), arrivés ici par hasard et complètement immobilisés à la suite d’un accident, d’une opération qui a mal tourné, où la faute à pas de bol. Ils ne bougent et sentent plus rien. Ils communiquent parfois qu’avec les yeux (grâce à un alphabet à répéter pour chaque mot), dirigent leur fauteuil avec leur menton et pissent dans une poche directement reliée à leur vessie.. ce n’est qu’une infime description de la pathologie.

D’autres maladies sont dégénératives, héréditaires, déclarées à la naissance ou au cours de leur vie (SLA, myopathies, ataxies…). Leur démarche et dialogues font penser à celui des mecs bourrés. Pourtant ils sont pleinement conscients et lucides. En quelques mois parfois, les muscles s’atrophient, ils passent de la position debout à Assise, leurs gestes sont imprécis, et décèdent lorsque les muscles respiratoires cèdent définitivement. Il n’y a pas un repas où l’un des patients s’étouffe en mangeant de la nourriture mixée ( et particulièrement dégueulasse). Je vous invite à essayer une daube en purée, et vous imaginez en avaler à chaque repas, avec des saveurs à bases de colorants, sans texture, sans plaisir à croquer, mastiquer…


La chance dans mon malheur, malgré l’accident suivit de quelques semaines d’immobilisation totale, est de pouvoir respirer seul, bouger mes bras partiellement et surtout, avoir l’espoir de récupérer. Contrairement à moi, leurs maladies progressent chaque jour un peu plus malgré tout les efforts du monde. Ils le voient, le constatent, le déplorent et ne peuvent que l’accepter tristement. Contrairement à eux, j’ai eu une vie de valide: j’ai marché, suis allé à l’école sans être regardé de travers, eu une vie étudiante fun, une copine, fait du sport,… Une vie « normale ». Comme souligné dans le film de Franck Dubosc, Tout le monde debout: « les valides désirent que leur relation amoureuse dure dans le temps, les handicapés d’en avoir une… » ^^

Heureusement l’hôpital Marin est là pour proposer des séjours de répit, faire un bilan de santé et leur faire changer d’air. C’est le moment où les auxiliaires de vie, familles ou amis qui se démènent quotidiennement pour soulager le patient partent à leur tour en vacances pour souffler un peu. Le personnel médical du pavillon Ribadau-Dumas, la Rolls Roys des hôpitaux, est vraiment au top: humain, investi, impliqué et compétent. Il apporte aux patients: gaîté, bien être et un peu d’espoir.


Comme vous et moi, les personnes à mobilité réduite ont une tête, un corps et un cerveau.

La vie ne tient qu’à un fil, et même si je ne le souhaite à personne, ça peut aussi vous arriver! 

La roue tourne…