Premier anniversaire d’un tétraplégique

Nous y voilà, 365 jours plus tard, à souffler la première bougie de ce malheureux événement. Une journée tragique, qui a bouleversé ma vie et celle de mon entourage. Une multitude de choses se sont passées durant cette année, des dizaines d’hôpitaux visités, des journées entières alité, des heures de kiné pour récupérer des morceaux de bras, une vie d’assisté…

L’accident

Une session de surf qui a mal tourné, une chute dans une eau peu profonde, la tête qui tape violemment le fond, et CRACK, la cervicale C5 qui se brise en 10. La moelle épinière est elle aussi touchée, ce qui entraîne une paralysie totale de mon corps…

10 morceaux  moelle4

Ouf! Il me reste la tête. Je ne peux plus bouger. Je me noie, je lutte, et quelques minutes plus tard, on me sort enfin de l’eau. Ensuite les premiers soins, l’hélico, l’hôpital, l’opération d’urgence et puis la réanimation.

la mort

Habituellement lors d’un accident « classique » avec opération, on peut dire que le plus dur est passé. Dans mon cas, le calvaire commence à peine.

Dépendant

Ce n’est pas une maladie, ce n’est pas contagieux, il n’y a ni vaccin, ni remède, et encore moins de solution miracle. Je suis immobile et surtout complètement assisté, je ne peux plus rien faire seul, ma vie dépend des autres et de leur bonne volonté. Les tâches quotidiennes qui paraissent si simple pour une personne valide deviennent une montagne de contraintes pour un tétraplégique.

La douche par exemple, il vous suffit simplement de retirer vos vêtements, faire couler l’eau jusqu’à ce qu’elle devienne chaude puis de vous mettre dessous pour vous laver. Dans mon cas, il faut une personne qui installe un harnais autour du corps, me transfère à l’aide d’un lève-malade, du lit jusque dans un siège douche, pour enfin être lavé.

J’adore sentir l’eau chaude couler sur mon visage et mes épaules, c’est l’un de mes plus grands plaisirs (il en faut peu) malheureusement ce n’est pas moi qui décide de la durée, et c’est toujours trop court.

Ensuite on me sèche, on m’enfile un t-shirt et je retourne dans mon harnais pour être habillé au lit, et encore un coup de harnais pour aller sur le fauteuil électrique. Pour chaque chose que je fais, je suis assisté. Il est plus rapide de compter les actions que je peux faire plutôt que l’inverse.

Ras le bol

handicape

J’en ai marre de cette situation! Marre de devoir attendre quelqu’un pour me lever, me laver, m’habiller, me donner à manger, me torcher, me coucher, éteindre la lumière, remplir une bouteille d’eau, faire des sondages à heures fixes…

J’en ai marre de devoir me mettre à nu devant des inconnus, m’adapter à eux, qu’ils me touchent, me portent, me retournent, m’enfile un suppôt chaque matin, devoir supporter leurs états d’âme, leurs ricanements, et leurs discussions incessantes pendants les soins.

Marre de prendre 15 médocs par jours pour que ça soit juste supportable, de manger à 18 heures, vivre dans un hôpital tous les jours, toute l’année (et y être « bien » car c’est le seul endroit adapté). Marre de vivre entouré par d’autres patients plus atteints les uns que les autres, souffrants, tristes, paraplégiques, tétraplégiques, AVS, opérés du dos, maladies génétiques, dégénératives, déficients mentaux…

Marre d’être assis dans un p***** de fauteuil, trop cher pour ce que c’est, être mal installé, avoir des contractures, des douleurs neurologiques dans le dos et de voir mon corps inerte.

Marre de devoir faire attention aux pieds quand on rentre dans l’ascenseur, de faire attention aux fesses avec les risques d’escarres si l’on reste assis trop longtemps dans une même position.

Marre de voir mon corps changer, grossir, perdre mes abdominaux et tous les autres muscles, avoir constamment froid, être frigorifié en dessous de 20 degrés, et avoir besoin de me cacher sous une capuche ou un bonnet à l’intérieur. Marre des séances de kiné, et d’ergo, qui sont répétitives, identiques et qui apportent des évolutions infimes comparées à l’énergie dépensé.

Marre de plus pouvoir m’endormir à coter de la femme que j’aime, de ne plus avoir une vraie vie de couple, de ne plus pouvoir la surprendre, de la faire vibrer et surtout, de la rendre heureuse.

Se battre

hendaye

Je voudrais une vie normale, celle d’avant. Etre libre, autonome, faire du sport, travailler, sortir, manger et me coucher quand j’en ai envie !

Malheureusement c’est impossible, ça se saurait si on pouvait revenir en arrière. Comme tout le monde me le dit, il faut que j’accepte, que je sois fort, apprendre à vivre avec le handicap, m’organiser, définir des objectifs… plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on arrive à peine à tenir un morceau de pain dans la main!

Moi qui aimait les défis, je suis servi !

Je ne veux pas vivre comme beaucoup d’handicapés, qui reste plantés là, accrochés aux aides sociales, sans ou peu de vie sociale ( même si je les comprends quelque part, leur vie est déjà bien assez dure et compliquée comme ça). À 26 ans, ayant fait des études, je dois bien pouvoir faire quelque chose, avoir un avenir !? Faut-il encore le définir pour le créer…

Le plus important pour y parvenir, n’est ce pas de garder le moral? croire en l’avenir? espérer des progrès technologiques et médicaux? et surtout être bien entouré?

Grâce à eux

Ma copine qui a été présente chaque jour de cette difficile année, a traversé la France pour me soutenir, m’aimer, m’aider à me battre à garder le moral et surmonter les obstacles. Je la remercie du fond du cœur, elle a tant donné et n’oublierai jamais tout ce qu’elle a fait. La vie est cruelle, mais tout est possible quand on le veut vraiment. Avec du temps et de l’organisation il est possible d’être heureux…

Je remercie aussi mes copains de Tribord qui m’ont tirés de l’eau et m’ont aidé par leur présence chaleureuse.

Un énorme merci à mes parents, mes sœurs, et toute la famille qui ont toujours été présents et me soutiennent quoiqu’il arrive, qui  se sont adaptés, anticipé les problèmes administratifs, et tout le reste… Un dernier merci pour les amis qui sont toujours là, chauds pour sortir et m’aider à retrouver une vie normale.

Dans ma lettre, ma colère se focalise sur ma condition et ma dépendance, elle n’est pas adressée à toutes celles et ceux qui se sont et qui s’occupent de moi. Merci donc aux équipes médicales de la Réanimation de Bayonne et d’Antibes, le centre de rééducation de Marseille, et l’hôpital Marin d’Hendaye, qui m’ont soigné avec constance, énergie, gentillesse et compétence: je suis encore vivant !

J’ai peur d’en oublier. Encore une fois, soyez remercié de votre présence auprès de moi..…